Ocëen
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Derniers sujets
» Nouvelles Orzaniennes
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyJeu 31 Aoû - 10:32 par Invité

» Aësir Hrosskel
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyJeu 9 Mar - 14:33 par Lëan Vandorallen

» Les bulles d'or | Événement [-18]
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyDim 5 Mar - 16:55 par Isiah Black

» Nox Parabellum
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyDim 14 Aoû - 12:29 par Invité

» Alternative Lives
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyLun 8 Aoû - 17:46 par Lëan Vandorallen

» | Argent facile |
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyJeu 21 Juil - 0:43 par Lëan Vandorallen

» Haklyone
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptyLun 18 Juil - 22:36 par Lëan Vandorallen

» News 16/07/22
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptySam 16 Juil - 19:47 par Lëan Vandorallen

» | Intra' Achats |
Bruit de fond ♦ ft. Illiana EmptySam 16 Juil - 16:36 par Lëan Vandorallen

Le Deal du moment :
Cartes Pokémon : la prochaine extension ...
Voir le deal

 :: Surface :: Europe Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Bruit de fond ♦ ft. Illiana
Anonymous
Invité
Invité
(#)
« I've walked on water, run through fire. Can't seem to feel it anymore.
It was me, waiting for me, hoping for something more. »




« Tu ne sortiras jamais. » Le regard hétérochrome absorbe la silhouette malingre de l'enfant, le dépossède de ses sourires. Tandis que la voix rocailleuse le tance vertement, il se recroqueville sur lui-même, se claquemure au creux de sa geôle de chair et d'os. Sous la surface de cette poitrine glacée, mouchetée de petites aiguilles douloureuses, le palpitant ne s'agite plus qu'avec une langueur apoplectique. « Tu ne toucheras personne. » Les deux iris vif-argent se figent sur les longs doigts cadavériques qui ne se meuvent qu'avec maladresse, et sur lesquels la peau se détache en larges squames grisâtres. Sous cette mue incongrue, la chair se pare d'un noir d'encre, comme si la vie n'habitait déjà plus cette triste gangue terrestre. Il lève la tête d'un mouvement hésitant, soucieux de croiser une nouvelle fois les prunelles bleu et pourpre, ces mêmes prunelles qui crachent des flammes et viennent imprimer sur son épiderme des stigmates imaginaires. La main aux griffes acérées est d'une couleur laiteuse ; elle s'approche de son visage comme les serres d'un grand rapace s'apprêteraient à transpercer sa proie. Mais, à quelques centimètres seulement de sa joue, le mouvement s'interrompt, ferme dans l'effroi. Il sent, à travers ce contact manqué, la tiédeur de la présence du bourreau, et il ne sait si cela le rassure ou l'épouvante. Leurs regards se plantent enfin l'un dans l'autre. Ses épaules s'affaissent sous le poids de l'appréhension. La main nourricière, la main persécutrice se referme sans avoir effleuré la peau rude. « C'est bien compris ? » L'interrogation sonne comme une injonction. Elle se pose avec une souveraineté implacable. Voilant le faciès de la mère, pas l'ombre d'un sourire, mais un masque de marbre qui le jauge avec cruauté. L'enfant sent son corps se jeter en avant dans un emportement éploré. De la pointe du menton, il opine malgré lui. Les sanglots meurent au fond de sa gorge, les larmes ne coulent pas. « Ocëen est ta seule maison, Aloysius. » Ocëen est ta prison, entend-il. Une prison de cristal de laquelle il ne peut s'échapper. Il ne remarque que l'assurance piquante de la mère. Il ne voit pas la lèvre inférieure d'Ariadne tressaillir instinctivement. Déjà, sa perception est biaisée. Déjà, elle le tient sous son joug, avec la certitude qu'il ne se rebellera pas. Le fils prodigue, le sujet défectueux. L'échec d'une mère, l'opprobre d'une scientifique. Elle voudrait planter ses ongles sous cette chair corrompue, admirer les perles carmin à mesure qu'elles fardent la grisaille, mais le poison qui coule dans ses veines la terrifie. S'il le voulait, il pourrait si aisément la mettre en déroute, elle, la mère irréductible. Il pourrait l'abreuver de sa tendresse mortifère, lui arracher son dernier souffle. Cela ne lui coûterait qu'une étreinte ou deux. S'il parvenait à embrasser sa taille de ses bras fluets, il ne lâcherait jamais prise. Alors, pour se prémunir, elle ne fait que creuser davantage l'abîme qui les éloigne l'un de l'autre, elle distille sa volonté, elle fait de lui un pantin au cœur de bois. Cette jeune âme, cloîtrée entre les murs putréfiés de sa propre carcasse, est bercée par les lumières artificielles et lointaines de la cité, qu'il entr'aperçoit à travers des vitres aux allures de soupiraux. Il rêve d'un ailleurs, de ce lieu inatteignable qui l'appelle d'on ne sait où, et vers lequel il tend vainement la main. Les songes futiles qu'Ariadne fait voler en éclats d'un geste, d'un regard, tandis qu'il observe la figure androgyne se détourner de lui une nouvelle fois.

Le corps d'Aloysius se soulève du fait d'un spasme subit. Il lui semble, l'espace d'un instant, que le socle vrombissant de l'Histelia se dérobe sous ses pieds fermement joints. Le poids de son exosquelette oppresse son souffle, étouffe ses membres ; il se sent à l'étroit dans cette camisole d'acier qui le protège autant qu'elle protège autrui de la menace potentielle qu'il représente. Tu ne toucheras personne, chantonne la voix d'Ariadne dans un recoin de son esprit, avec l'aménité d'un murmure et l'autorité d'un mugissement dans la nuit. Fort heureusement, la monstruosité de ses traits échappe aux regards derrière le verre sans tain de ce casque dont les contours se pressent contre ses joues émaciées. Pourtant, ses yeux se figent inconsciemment sur ses bottes, ces bottes faites d'un alliage si pesant qu'elles lui paraissent dérégler son centre de gravité. Il piétine presque imperceptiblement, battant la mesure des vibrations de la machine ailée qui l'emporte vers la terre promise. Pas une œillade en direction des larges hublots parachevés d'une lueur bleutée ; ce qui se dessine au dehors le pétrifie autant qu'il l'électrise. L'euphorie insoupçonnée lui monte à la gorge comme une clameur, mais le cri demeure aphone, interrompu dans son élan par cette crainte sourde qui pulse sous ses tempes.

Aloysius Sutherland n'avait jamais quitté la cité ; il avait longtemps appliqué les préceptes du bourreau au pied de la lettre, sans l'esquisse d'une incartade. Il n'avait étreint personne, et en retour, personne ne l'avait étreint. Il avait accepté sa réclusion et s'était engoncé dans un mutisme caractéristique, avec quelques plantes pour seuls témoins de ses terreurs nocturnes. Mais la rébellion s'était exprimée par bribes infinitésimales. Un mot de travers, une escapade prolongée. Un appartement loué au fin fond du dédale de stupre de Chinatown Bay. Il avait vu la fureur s'amasser sur ses traits, se concentrer au cœur des pupilles hétérochromes, puis éclater en milliers d'encyclies vengeresses. Mais Ariadne n'avait pas répliqué. Sûrement trop consciente de l'emprise qu'elle avait encore sur lui, elle l'avait laissé faire. Et cette soudaine indifférence l'avait bien plus révolté que son hypothétique colère. Son émancipation n'était finalement que le reflet de son aliénation. Rien n'avait changé, si ce n'était qu'il n'apercevait plus l'embrasement de sa chevelure qu'au détour des couloirs du centre de recherche. Ses regards, quant à eux, étaient les mêmes. Il ne lisait, sur ce faciès pincé, qu'un éternel mépris. Un mépris qui lui rappelait sans cesse que son existence n'était en elle-même qu'une vaste humiliation. Alors il lui fallait faire davantage, outrepasser un autre des commandements, lui faire payer la suffisance qui animait son cœur vicié. Tu ne sortiras jamais. Il briserait cette forteresse de cristal comme elle avait brisé ce qui lui restait d'espoir. Et, tandis que l'Histelia fend les nuées duveteuses comme une lame d'eau s'écraserait sur les rochers, il se demande si cette impulsion est la sienne, ou si elle n'est que le fruit d'une machination de plus de la part de la matriarche inflexible.

La bête qui ronronne et rugit à travers l'espace infini des cieux poursuit sa course infernale. Même en se concentrant, Aloysius ne perçoit plus les chuchotements des sirènes à travers la paroi de métal ; rien que le bourdonnement de l'engin, et celui des échos de voix qui éclatent autour de lui. Il n'a pas même porté un regard sur les visages des individus composant son escorte, parfaitement pétrifié par les abîmes inexplorés de cette nouvelle infamiliarité. Pas une salutation, ni prononcée, ni esquissée de sa part ; la silhouette engoncée dans la combinaison immaculée s'est engouffrée dans l'appareil avec la précipitation d'un foudroiement, puis s'est installée en silence, les mains jointes, comme menottées à elles-mêmes. Il n'ose pas se figurer ce que l'on pense de lui. Il a toujours veillé à se fondre parmi la foule, avec une discrétion propre à la vermine, mais ces nouvelles circonstances lui échappent quelque peu. La génitrice impérieuse lui a appris beaucoup, mais en termes d'aisance en société, il se sent l'assurance d'un bambin trébuchant. L'écran interne de son exosquelette lui signale une hausse anormale de son rythme cardiaque, mais il ignore la notification presque aussi instantanément qu'elle lui est parvenue. Une fine pellicule de sueur vient se former à la surface de son épiderme. Il pianote maladroitement sur son interface jusqu'à ce qu'il parvienne à réguler sa température corporelle. À son mal-être s'ajoute une impatience inextinguible. Le vol de l'Histelia s'accompagne d'une nausée qu'il peine à réprimer ; il se réjouit de sentir de nouveau la fermeté d'un sol meuble sous ses pieds. À peine la pensée est-elle formulée dans son esprit que l'oiseau de métal entame sa descente. Inconsciemment, il s'agrippe à son siège avec l'impuissance d'un enfant ballotté par le destin. Le bourdonnement, qui désormais sonne davantage comme un souffle d'air aigu, s'amuit à mesure que la bête approche la surface du continent. Les dernières secousses font frissonner ses membres, puis le scintillement bleuté du cockpit laisse enfin place à l'obscurité. Il entend son escorte quitter l'habitacle et rejoindre l'air libre dans une cacophonie de cliquetis et d'exclamations enjouées. Il demeure quelques secondes interdit, comme paralysé par l'infinité de variables indéfinies qui l'attendent à l'extérieur. Enfin, il empoigne à bras-le-corps le paquetage qu'il avait savamment rangé sous son siège, et emboîte le pas à cette myriade de visages inconnus. À la sortie de l'Histelia, il repère les contours d'une femme dont il identifie presque immédiatement le statut, du fait du charisme naturel qui exsude de sa silhouette sèche et guindée. À chaque nouvelle enjambée le rapprochant d'elle, il se sent suffoquer, comme subjugué par cette présence qui semble à même d'avaler un pan d'existence entier. Malgré lui, le visage d'Ariadne s'imprime sur sa rétine, et il s'immobilise au niveau du commandant, gauche et tremblant. « Aloysius Sutherland. » Il ne parvient pas à marmonner davantage. Il veut tendre une main courtoise à son interlocutrice ; il en oublie le coffre d'aluminium qu'il tenait fermement enserré contre sa poitrine, lequel vient s'écraser dans une plainte stridente sur la plateforme d'acier. Ses traits se déforment sous la contrition ; contrition qu'elle ne peut que deviner à sa posture penaude, à ses doigts effilés tendus vers le vide.
Lun 6 Avr - 15:59
Revenir en haut Aller en bas
Illiana Steelgood
Nom : Steelgood
Age : 39
Crédits : 43352
Emploi : Commandante - Armée
Corporation
Illiana Steelgood
(#)
« Tenez-vous prêt, nous descendons. »
A peines a-t-elle prononcée ces mots que le temps se fige autour d’Illiana. Le vrombissement du moteur se fait vacarme. Les vibrations du métal qui se répercute dans son exosquelette, fait trembler ses os. Sa vue la fuit et l’odeur de métal et d’huile de moteur est peu à peu remplacée par une odeur de brûler.
Ses sens assaillis, comme submergé, elle en vient à entendre le cri d’une femme, tombant dans le vide non loin de là. Mais rien. Rien d’autres que le cockpit où s’active son escouade improvisée. Ou plutôt, où ils demeurent étrangement immobiles, comme perdus dans le temps. Ou peut-être était-ce elle ?
Soudain, une peur panique l’assaille, une certitude, une évidence : le sol du cockpit allais se déchirer, les livrant tous à l’inéluctabilité de la chute mortelle. Reculant instinctivement d’un pas, le regard horrifié, elle scrute ce sol qui lui paraît soudain si fin et fragile.

« Commandante ? Vous allez bien ? »
Elle relève les yeux, un voile d’effroi peint au creux de ses pupilles dilatées. Et au même moment, le monde semble retrouver son sens, ses rouages. La roue du temps se remet en route pour la jeune femme et chacun reprend ses mouvements. Le jeune soldat lui faisant face, le regard sincèrement inquiet, la dévisage en attend sa réponse.
Soudain, la réalité vient la frapper comme un uppercut à l’estomac. Déjà, leur transport n’est plus qu’à quelques mètres du sol et qui sait depuis combien de temps elle était restée planter là sans rien dire comme une folle.
Maudissant ses prothèses qui l’empêchaient de ressentir la libération masochiste de la sensation de serrer son poing, elle s’infligeas une série de flagellation mentale afin de se ressaisir rapidement. « Comme à l’entrainement ma fille… Tu l’as fait des centaines de fois… » Pensas-t-elle.

« Oui Serkov, tout va très bien. Je revoyais le plan de la mission mentalement, » répondis-t-elle avec la plus naturelle assurance.
«  C’est que… comme vous sembliez prête à dire quelque chose… » Continuas le jeune soldat qui ne semblait pas vouloir en démordre.
« J’ai dit que tout allait bien soldat, » l’interrompit la commandante, d’un ton sec et sans appel. « Maintenant, aidez vos camarades à débarquer le matériel et les civils. »
« Oui madame, tout de suite madame. »

Le jeune homme qui ne devait pas avoir atteint la moitié de la vingtaine s’enfuit à l’autre bout de l’engin qui venait d’atterrir, fuyant la commandante. Elle détestait avoir recours à son grade ou à la renommée que lui conféraient ses faits d’armes auprès de ses pairs, surtout les plus jeunes. Mais elle ne pouvait nier la praticité de ceux-ci dans certains cas…
Soupirant en terminant de ramener le calme dans son être, elle se dirigea à son tour vers le sas de l’Histelia. Une jeune soldate venait de l’ouvrir et déjà, la plupart du groupe était à l’extérieur, l’arme au poing, sécurisant la zone d’atterrissage. Prenant elle-même son fusil à la main, plus détendue en voyant que l’entrainement que ces jeunes pousses recevait à la caserne semblait servir à quelque chose finalement, elle se tourna pour accueillir les deux scientifiques du groupe.

Les mains sur les hanches, elle observait le premier, engoncé dans son exosquelette qui dissimulait son visage, comme une tortue dans sa carapace. Elle avait eu l’occasion de l’observer subrepticement durant le trajet jusqu’au centre de recherche mais n’avais pas pu réellement le cerner. Il n’avait pas dit un mot, pas esquissé un regard vers les autres passagers ni même un geste. Comme prostré dans une léthargie phobique. Un flash de l’hôpital, les semaines suivant l’accident pollua son champ de vision pendant une seconde.
Elle pria silencieusement pour ne pas avoir à surveiller un énième scientifiques trop fragiles pour être confronté à la réalité hors de son laboratoire et de sa bulle de verre… ou au contraire l’un de ceux qui, excité comme un enfant, pensait être escorté dans un jardin de jouet fait pour lui.
Lorsqu’il énonça son nom tout en faisant maladroitement tombé ses affaires dans un écho métallique qui fît sursauter la moitié des jeunes du groupe, la jeune femme soupira intérieurement. Longuement…
Elle regrettait déjà cette mission.

Se penchant en avant, elle ramassa le paquetage pour le tendre au scientifique masqué d’un geste neutre, tout comme sa voix :

«  Faites attention… Professeur Sutherland. Nous ne sommes peut-être pas seuls dans les environs et même s’il y a de grandes chances que notre arrivée ai déjà alertée la plupart des créatures un tant soit peu attentives des environs… Nous gagnerions à ne pas en rajouter. »
A ces mots, elle saisit la main qu’il voulait lui tendre en premier lieu.
« Commandante Illiana Steelgood, enchantée. »
Elle salua au passage le second scientifique qui en profita pour se présenter comme le Professeur en Zoologie Marcus Sparte.
« Bien. Tout cela étant dit, nous n’avons pas de temps à perdre. Chaque minute que l’on passe ici nous expose d’avantage. Le camp n’étant qu’un centre de recherche temporaire, ils ne disposent pas d’abris pour notre transport, » commença Illiana, alors que le reste du groupe se rapprochait une fois la petite trouée où ils avaient atterris sécurisée. « Il va donc falloir que nous laissions quelqu’un ici pour défendre l’Histelia. Il serait trop dangereux de le laisser en pleine forêt ainsi. Ashley, tu t’y colle avec Marc, notre pilote. Marc, toi, reste prêt à décoller pour l’instant. » Les deux hochèrent la tête d’un mouvement sec.

« Les autres, vous venez avec moi. Nous avons atterris à environ cinq cents mètres de la clairière où l’équipe de recherche a installé ses baraquements. C’est de là-bas que nous avons reçu la dernière transmission de la part du caporal chargée de l’équipe de sécurité sur place. Dans son dernier rapport, il n’avait rien de dangereux ou d’inquiétant à signaler. A nous de découvrir pourquoi nous n’avons plus de nouvelles depuis.
Avec de la chance, leur émetteur est bousillé et on nous accueillera avec du thé. Mais il a de fortes probabilités pour qu’il n’y ait plus personnes sur place.
Pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds hors d’Ocëen, vous restez groupé. Surtout les deux professeurs. Vous signalez tout ce qui est suspect et vous faites le moins de bruit possible. »
Son regard passant discrètement sur Aloysius.
« Ici, un rien peut vous tuer alors pas question de jouer aux idiots !

A présent, en avant tout le monde. »


Se séparant immédiatement, l’équipe se répartis avec une naturalité proche du ballet. Dans une fluidité toute militaire, deux membre vinrent se poster à l’avant du groupe, deux à l’arrière et Illiana se posta au milieu, escortant les deux scientifiques.
Tous se mirent en marche pour l’Est, s’enfonçant dans la forêt épaisse en direction du campement silencieux.
Mer 8 Avr - 14:29
https://oceen.forumactif.com/t84-illiana-steelgood#109 https://oceen.forumactif.com/f69-illiana-steelgood
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
(#)
« In the dark I hear her voice
And start to run into the trees »



Aloysius veut fermer les yeux, oublier l'opprobre qui vient lui chatouiller les parois du crâne comme une céphalée mortifère, oublier la saveur métallique qui se profile des profondeurs de sa gorge. Il sent les contours de la silhouette d'Ariadne se reconstituer dans l'ombre, sa présence lui enserrer la poitrine telle une camisole de force. Incapable d'esquisser le moindre mouvement, il se tient coi, les épaules penchant vers le sol, comme infléchies par un fardeau immatériel. La sueur tapisse et s'écoule le long de son épiderme en milliers de minuscules gouttelettes brûlantes, lui voilant bientôt le regard, l'incitant à cligner des paupières frénétiquement, avec l'exaltation d'un enfant survolté.

Ce fardeau immatériel n'était-il pas simplement sa propre existence ? Lui qu'on avait si souvent écroué, lui dont on avait inhumé les aspirations à de si nombreuses reprises qu'il en avait oublié la couleur, la musique mystérieuse ... Tandis que les serres d'Ariadne se plantaient dans sa poitrine, transperçaient ses chairs et ses fluides pour finalement lui broyer le cœur, il mesurait toute la vanité de sa défiance, toute la caducité de la rébellion qui avait germé au fond de ses entrailles. Il pensait naïvement avoir voué ce qui lui restait d'existence à se dépêtrer de son emprise, à démontrer son utilité à cette société qui n'avait de cesse de le rejeter, de le vomir comme on voudrait se débarrasser d'une tumeur infectieuse. Se fourvoyait-il depuis le départ ? Sa quête s'était-elle déployée dans le vide, sa voix s'était-elle timidement élevée parmi les capitons épais du silence ? Ariadne n'avait jamais appris à articuler un compliment, et de la même façon, il n'avait jamais pris conscience de sa valeur. Il s'était laissé étouffer par le courroux maternel, s'était laissé museler par sa haine sourde. Au gré des admonestations, il avait fini par se convaincre qu'il ne connaîtrait rien d'autre, qu'il n'accomplirait rien de plus. Lui qui chérissait ses recherches comme un trésor enfoui, comme le dernier bastion d'espoir qui animait son cœur sclérosé, il en venait désormais à questionner leur bien-fondé. Il aurait ardemment désiré qu'on lui attribuât l'influence du Fungus Supplicium, l'indispensable parasite, le lien vital fondamental. Mais force était de constater qu'il était le plus dispensable des parasites, de l'espèce de ceux qui s'épanouissaient dans la tiédeur moite des cadavres. Personne n'avait besoin de lui, personne ne se remémorerait son nom à sa mort. Peut-être aurait-il le privilège d'apaiser quelque peu l'anxiété grandissante du bourreau, voilà tout. Et alors qu'il voyait luire une étincelle d'agacement par-delà les inflexions d'ambre des prunelles de son interlocutrice, il fut ramené à sa propre impéritie.

Pourtant, les doigts inconnus se refermèrent sur les siens, engoncés dans leur coque de métal, et tandis que les mains s'entrelaçaient dans la cordialité de cet échange impromptu, le cliquetis de deux surfaces solides s'entrechoquant parvint à ses oreilles comme une mélodie providentielle. Cela ne dura qu'un instant, mais la fugacité du geste lui parut s'étendre à travers l'espace infini du temps. Il passa outre la superficialité du contact, s'imagina faire jaillir sa main nue de l'exosquelette et éprouver pour lui-même la surface lisse du graphène sans que son vis-à-vis ne fût menacé par le poison qui parcourait ses veines. Il se sentit honteux de ressentir une telle euphorie, comme il se sentait honteux de ne parvenir à se rappeler la dernière fois qu'un autre être avait esquissé un mouvement vers cette enveloppe vénéneuse. Il se souvenait avec une trop grande clarté du corps qui avait brutalement convulsé alors qu'il le tenait dans ses bras, de la masse sans vie qui avait glissé jusqu'au sol, et du cri perçant d'Ariadne qui avait brisé son silence halluciné. Il se souvenait de la main de Charlotte qui s'était agrippée à son veston avec une tendresse dont il ignorait tout, et de la réaction instinctive et paniquée de son propre corps, de sa répulsion. Ses appels éplorés étaient restés sans réponse, il n'avait plus posé les yeux sur ce visage aux traits d'une finesse incongrue, mais pour lesquels il n'éprouvait qu'une tiède indifférence. Et malgré tout, cette interaction-ci, ce geste franc et désintéressé, l'ébranlait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. La fièvre s'amassa dans sa poitrine avant d'exploser dans une déflagration qui s'instilla dans la moindre de ses cellules ; à ce stade, il ne savait plus s'il s'agissait de la maladie qui le rappelait à l'ordre, ou de l'angoisse dont il souffrait au contact de ces individus qui lui étaient étrangers. Par précaution, il activa une nouvelle fois son interface et s'injecta un sédatif.

Tandis que ses pieds tremblants s'aventuraient avec maladresse sur la passerelle de l'Histelia, Aloysius esquissa un mouvement de recul. Les rayons de cet astre dont il n'avait jamais deviné les contours transpercèrent sa carcasse d'acier de part en part, assaillirent son regard d'une luminosité  jusque-là inéprouvée. Marcus Sparte le dépassa sans piper mot, avec la désinvolture d'un individu ayant déjà arpenté le monde du dehors un nombre incalculable de fois. Il ne semblait guère plus âgé que lui, et pourtant, il irradiait de ses larges épaules une assurance qui lui faisait défaut. Le botaniste ne put ignorer cette œillade jetée à la dérobée, empreinte d'une condescendance à peine voilée, la même qu'il lui avait semblé déceler dans le ton pourtant si neutre du Commandant Steelgood. Chacun paraissait l'avoir cerné immédiatement ; était-ce du fait de sa posture voûtée ? De sa voix chevrotante ? Il n'aurait su le dire, mais ce mépris lui octroyait en un sens le confort de la familiarité. Comment décevoir qui que ce fût si l'on n'attendait d'emblée rien de lui ? Se raccrochant à cette pensée fugace comme à une devise, il prit une inspiration à s'en déchirer les poumons, et se mit en marche, accordant sa foulée à celle de son collège zoologiste. Marcus ne semblait s'embarrasser ni des paysages, ni des êtres qui l'entouraient ; il marchait les yeux rivés sur la clairière qui se dessinait graduellement à quelques mètres devant eux. Aloysius, à l'inverse, peinait à fixer son regard sur quoi que ce fût. Le moindre détail l'obnubilait : la nervure pourpre d'une feuille, l'imperceptible scintillement d'une étamine, le léger chuintement des buissons … Il interrompait son élan à chaque nouvelle enjambée, prenait plusieurs clichés qu'il sauvegardait dans la mémoire de son implant, puis trottinait pour reprendre sa place dans le rang. La flore européenne le fascinait, tout avait la fragrance de la nouveauté ; son savoir théorique venait se superposer à la réalité des êtres qui peuplaient ce continent qui lui était encore inconnu, et voir l'hypothétique prendre vie sous ses yeux l'emplissait d'aise. Néanmoins, l'attention du botaniste n'était pas simplement captée par la nature environnante ; il détaillait ses congénères avec la même myopie. Il admirait la régularité des traits du Commandant Steelgood, sa démarche ferme et cadencée, l'intrication des armatures de ses bras métalliques. Malgré son attitude, Marcus n'était lui-même pas dépourvu d'une certaine beauté ; ses iris à la nuance malsaine de vert-de-gris semblaient décomposer le moindre reflet lumineux comme un prisme.

À mesure que le groupe s'enfonçait dans la forêt, les couleurs autour d'eux s'affermissaient, les feuillages violacés se striaient de ramures luminescentes. Les arbres aux larges fleurs odorantes et les charmilles broussailleuses paraissaient diffuser à travers le sol un battement régulier, qui venait s'accorder avec l'allure de leur incursion au cœur de l'inconnu. Les sons se faisaient plus diffus, plus feutrés ; les chuchotements sporadiques entamaient à l'unisson la même mélopée funèbre. L'euphorie d'Aloysius se mua progressivement en méfiance. Il percevait le mouvement de chimères malveillantes, savamment tapies dans l'ombre des conifères, sans parvenir à distinguer leurs figures spectrales. Instinctivement, il porta une main frémissante à l'arme fixée à sa taille. Lui-même n'était pas sûr de son aptitude à se défendre ; en prévision de son épopée européenne, il avait bien entendu pris quelques leçons de tir, mais il craignait d'être confronté à une cible vivante, il craignait de ne pas avoir le cœur de presser la détente et de mettre fin à une vie qui avait sans doute plus de valeur que la sienne. Il se figurait le nombre de vies qu'avaient dû dérober les individus constituant son escorte, et ne pouvait s'empêcher de s'interroger compulsivement. Arrivait-il un moment où le scrupule se changeait en nonchalance, ou pire, en excitation ?

Tandis qu'il ergotait intérieurement à propos de la cruauté avérée des hommes, l'escouade parvint finalement au campement, et fut accueillie par un silence glacial, qui avait le poids et l'odeur du néant. Pas la trace d'une présence humaine effective, seuls des témoignages d'existence se trouvaient dispersés çà et là : des repas entamés, des couvertures encore froissées, comme si les chercheurs s'étaient tout simplement évaporés dans la plus grande des précipitations. Rien n'attestait d'une quelconque violence exercée à leur égard ; tout portait à croire qu'ils s'étaient évanouis de leur plein gré. Alors que le groupe se divisait à la recherche d'indices, Aloysius remarqua un émetteur suspicieusement disposé sur une souche, comme une idole au centre d'un autel. Motivé par un élan de curiosité insatiable, couplé à son indéfectible insouciance, il se saisit de l'objet, et avant même qu'on pût l'en empêcher, le mit en marche.

Bip biiip biiip bip … bip biiip … bip bip bip.

L'intensité du signal sonore lui fit lâcher l'émetteur. Celui-ci s'écrasa sur le sol mais n'interrompit pas pour autant la transmission. La stridulation aiguë lui vrilla les tympans, semblait faire palpiter l'air autour de lui.

Bip biiip biiip bip … bip biiip bip bip … bip bip biiip … bip bip bip.

Paralysé par la nature mystérieuse des ondes que diffusait le dispositif, il voulut se recroqueviller sur lui-même, mais tendit le bras pour tenter de récupérer l'artefact démoniaque, en vain.

Bip biiip bip bip … biiip biiip biiip … bip bip … biiip bip.

La transmission s'interrompit d'elle-même. Un silence sépulcral s'abattit sur le campement, parachevé de bruissements lointains qui semblaient se rapprocher à chaque nouvelle seconde. C'est Marcus qui parut être le premier à identifier la menace, puisque sur son faciès habituellement si impassible vint se greffer une expression de pure terreur. « C'est pas bon ... » souffla-t-il. « Vraiment pas bon. »
Lun 13 Avr - 17:06
Revenir en haut Aller en bas
Illiana Steelgood
Nom : Steelgood
Age : 39
Crédits : 43352
Emploi : Commandante - Armée
Corporation
Illiana Steelgood
(#)


Le groupe avança à travers l'épaisse masse végétale, jusqu'à découvrir le fameux campement de fortune, qui n'en avait que le nom. En effet, le tente était large et solide, fait dans des matériaux pouvant résister aux caprices des éléments de la surface. Quelques petits véhicules terrestres se trouvait ça et là. Des tables étaient disposées dehors et des objets appartenant vraisemblablement à l'équipe travaillant sur les lieux traînaient ça et là en signe d'activité humaine.
Cependant, aucune signe de vie ne venait suggérer que qui que ce soit soit présent sur le lieu.

L'escouade commença à se séparer, suivant les mouvements sec et silencieux de la main d'Illiana. Dans une concentration mortelle, ils commencèrent à faire le tour des lieux, pendant que la commandante restait près des scientifiques tout en jetant des regards inquiets autour d'elle.

Elle commença à apercevoir les signes négatifs de son équipe, indiquant l'absence de vie humaine sur place. Cela ne fît que la tendre encore un peu plus. Son regard se posa sur les affaires des scientifiques laissant à la hâte aux quatre coins du camp. Leur présence indiquait que leurs propriétaires n'avaient pas pu ou voulu s'en encombrer, mais leur disposition et l'absence de signe de lutte dans le camp n'indiquait en rien la précipitation chaotique d'une attaque.

«  Qu'est ce qui a bien pu se passer ici bon sang ?! » se lança-t-elle à elle-même.

A peine avait-elle prononcée ces mots qu'un « bip » numérique strident vint lui vriller les tympans. Se tournant instinctivement, elle vit le Pr. Sutherland ramasser l'objet à l'origine de la cacophonie sur-aiguë. Elle commença à s'approcher à grand pas, entre panique et colère et arriva à la hauteur du scientifique juste au moment où le son sembla s'arrêter de lui-même.
L'homme semblait ne pas s'avoir quoi faire de ce qu'il tenait entre les mains et tout son corps hurlait qu'il souhaitait être le plus loin possible d'ici.

Dans son dos, Illiana ne pût s'empêcher de venir lui prendre l'appareil.

«  Professeur... Il me semblait que nous avions abordé l'importance d'être discrets... » Sa voix trahissant sa mâchoire serrée.

Mais elle n'eût ni le temps de le réprimander d'avantage, ni le luxe d'examiner l'objet : Aloysius ne la regardait pas. Son casque était tourné au-dessus de son épaule. Dans un mouvement, elle se tourna dans la même direction, juste à temps pour voir une paire d'yeux  luirent entre deux arbres avant de disparaître dans l'orée de la clairière. A cela s'ajouta les commentaires pleins d'angoisse de Marcus.

«  Escouade... tout le monde se regroupe à la tente principale. Tout de suite. » dit-elle via leur communicateurs, dans un calme forcé mais pressant.

Refourguant l'objet dans les bras de celui qui l'avait semble-t-il activé, elle commença à reculer en prenant son fusil en main, faisant signe aux deux civils de rapidement se diriger vers la plus grande des structures aux couleurs s'harmonisant avec la végétation locale.

Alors que tous arrivaient enfin vers l'entrée et qu'un des soldats ouvrit la porte, une des bêtes tournant autour du campement depuis plusieurs secondes sortit enfin la tête d'un des fourrés.
Ses yeux argentés braqués sur le groupe n'avaient rien d'amicaux et sa bouche entrouverte laissait apercevoir la double rangée de longue dents pointues. Long d'un mètre quatre-vingts, l'animal avança sa patte se terminant par des griffes d'une demi-douzaine de centimètres, qui vint faire craqueler l'épaisse racine de l'arbre voisin. Et alors qu'elle continuait dans une lenteur prédatrice à avancer, faisant jouer sa puissante musculature sous sa fourrure dorsale épaisse, la créature commença à grogner. Un son roque et profond, à vous glacer le sang. D'autres lui firent écho, aux quatre coins du camp, signe qu'ils étaient encerclés.
La meute semblait s'approcher dans une tactique de chasse rodée et ils avaient acculés leurs proies.

Illiana fît signe de faire rentrer les deux scientifiques à l'intérieur alors qu'elle mît en joue la bête qui lui faisait face. Elle pria pour qu'un tire de sommation les fassent fuirent. Visant à quelques centimètres devant l'animal, elle tira alors que cette dernière pénétrait dans l'enceinte du camp. Couinant à l'impact de la charge énergétique sur le sol, elle recula en effectuant un petit saut. Avant de grogner de plus belle.
Soudain, elle se mît à charger vers le groupe. Trop occupés à surveiller les autres angles ou à faire pénétrer les civils dans la tente, ses compagnons n'avaient pas encore remarqués la menace qui leur fonçait dessus.
N'ayant d'autre chose, elle tira une longue salve en direction de la bête. Cette dernière, évitant les premières décharges dans une agilité que sa corpulence ne laissait supposer, finit par être touchée à la jambe, trébuchant dans son élan qui la fît partir en rouler bouler. Elle se prit de plein fouet la salve suivante et ne se releva pas.

Un silence pesant se fît après la cacophonie de grognement et de tirs de laser... Avant que les bêtes ne se mettent à hurler. Juste après, une dizaine de bruit de pas rapide se fît entendre tout autour d'eux.

«  Tous à l'intérieur, vite ! » ordonna Illiana en se retournant pour pousser tout le monde à rentrer.

Dans un empressement jurant un peu avec leur professionnalisme précédent, ils rentrèrent tous alors que la jeune femme fermait la marche. Allant pour fermer la porte, une patte griffue vint riper contre son bras, juste avant qu'elle ne clos l'entrée.
Reculant de quelques pas, elle observant la porte métallique qui ne semblait pas bouger, mais elle n'eût pas le temps de souffler que déjà le son des griffes raclant contre les parois épaisses du tissu synthétiques se firent entendre tout autour de la tente d'une trentaine de mètres carrés.

Tous les soldats se remirent en joue, pointant chacun un coin de la tente avec une anxiété grandissante qui se sentait à leurs corps tendus et aux tremblant de l'arme de certains.

Il ne fallut pas longtemps pour qu'ici, une griffe esquisse une percée dans la matière pourtant résistante aux pluies acides. Là, le poids du corps de l'animal dessinant l'empreinte de sa patte qui appuyait contre la parois. La dizaine de bête entourant l'abris de fortune continua de tout faire pour entrer et elle semblait déterminer à avoir son repas...

Illiana se mit également en position.

«  Ne tirez pas, tenez-vous prêt et protégez les civils. S'ils menacent de rentrer... faites feu. Professeurs, une idée pour nous débarrasser de ces choses sans que ça ne tourne au carnage ?! »


Bruit de fond ♦ ft. Illiana Andre-pinheiro-f42-color-final2
Jeu 16 Avr - 11:13
https://oceen.forumactif.com/t84-illiana-steelgood#109 https://oceen.forumactif.com/f69-illiana-steelgood
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
Invité
(#)
« It's the moment of truth and the moment to lie
And the moment to live and the moment to die »



Les frondaisons multicolores semblaient s'affaisser et frémir au passage des nuées cauchemardesques, créatures encore fantomatiques qui se dérobaient à leurs regards hallucinés. Aloysius pouvait à peine percevoir leur chant funeste ; des pattes de velours venant faire résonner l'éphémère craquement des branchages, des râles de fond de gorge se répercutant en échos, rebondissant sur le moindre pétale, sur la plus infime surface d'écorce. Le temps paraissait avoir subitement interrompu sa course ; l'appréhension générale prenait des formes trébuchantes à travers l'espace, les secondes s'égrenaient maladroitement, gagnant en épaisseur et en densité, se dilatant par-delà des dimensions auxquelles ils ne pouvaient prétendre. Aloysius retenait inconsciemment sa respiration. L'air, comme une masse de plomb informe, demeurait bloqué au niveau de son larynx. Au creux de sa poitrine, chaque battement lui faisait l'effet d'une coulée de lave s'instillant dans ses veines, consumant inexorablement la dernière parcelle de courage qui lui restait. Ses camarades avaient disparu avec sa témérité ; il contemplait seul l'immensité tissée de ténèbres qui se dressait devant lui, l'émetteur encore fermement enserré entre des doigts qui ne semblaient plus lui appartenir. Le borborygme monstrueux prit de l'ampleur, fit trembler l'étendue vide près de son cœur. Les murs de la raison se fracturaient peu à peu pour laisser place à la panique ; ils pouvaient sentir le même élan mortifère suintant des enveloppes anonymes qui l'entouraient, exsudant de leurs esprits aveugles comme une nausée existentielle.

Deux iris d'argent jaillirent de l'obscurité. Le déferlement cendré glissa sur chacun de leur corps, sur chacune de leur fragile existence, les considérant avec une ostensible voracité. Aloysius ne voyait plus que les babines frémissantes desquelles s'écoulait une mousse blanchâtre, les milliers de crocs acérés qu'il imaginait transpercer sans peine sa frêle carcasse. Était-ce là son désir secret ? Voir sa peau malade déchirée, anéantie sans scrupule sous les coups de la créature infernale ? La fourrure tachée d'ombre se mouvait avec une précaution surréaliste à l'approche des figures humaines et tremblotantes, jaugeant en silence la combativité des proies potentielles. Aloysius voulut reculer, mais ses membres ne lui répondaient plus. Il voulut lancer un regard à ses compagnons d'infortune, mais il ne parvenait pas à détacher les yeux de l'indomptable Cerbère. C'est finalement une poigne étrangère qui le ramena à la réalité. Un soldat dont il ne connaissait pas le nom les entraîna, lui et Marcus, dans les entrailles de la tente centrale. Il s'abandonna à ce cahot sans guère réagir, les yeux manifestement dans le vague. Le sifflement des tirs de laser parvint à ses oreilles avec la virulence d'une éruption. Un sursaut souleva son corps malgré lui, et il sentit son coccyx heurter la surface de la tente dans un bringuebalement aussi sonore que douloureux. Il entendit la lourde porte de métal se refermer derrière eux ; cette tente serait leur ultime tombeau. Les serres des bêtes ne cessaient de venir cogner contre la structure, battant la mesure de leur litanie funèbre. Recroquevillé à même le sol, Aloysius se risqua enfin à lever les yeux. Le visage de Marcus s'était vidé de ses couleurs ; il n'affichait désormais qu'une pâleur mortuaire, au centre de laquelle jurait le vermeil saisissant de ses lèvres gorgées de sang. Il n'aurait su dire si la folie du moment lui faisait perdre ses esprits, mais l'espace d'un instant, la terreur qui luisait au fond de ses prunelles lui sembla particulièrement séduisante.

La voix d'Illiana retentit par-delà le vacarme ambiant. Une interrogation qui leur était adressée. Le botaniste et le zoologiste échangèrent une œillade profondément désarmée. Le timbre de basse de Marcus Sparte s'éleva finalement avec incertitude. « Ce sont des Vashëras », articula-t-il péniblement. « Des bêtes habituellement très pragmatiques. Elles ne s'attaquent que très rarement à l'homme, à moins de se sentir au pied du mur … » Il s'interrompt quelques secondes, et lance à son interlocutrice un regard évocateur. « J'entends par là que leur comportement est anormal. Quelque chose – ou quelqu'un – doit être à l'origine de cette irrégularité. Plus important : les Vashëras sont aveugles, d'où la surface vitreuse de leurs iris. Néanmoins, ils sont très sensibles aux phéromones dégagées par les autres créatures, et leur ouïe est imparable … Dans la situation actuelle, le seul moyen de nous sortir de là serait de créer une diversion. » Il déglutit bruyamment avant d'ajouter : « Mais il semblerait que nous soyons pris au piège. » Aloysius digérait les informations sans produire le moindre son, mais des pensées parasites n'avaient de cesse de se manifester dans les méandres de son esprit agité. Il rejouait les instants avant qu'il n'activât malencontreusement l'émetteur. Puis la stridence de cette impulsion sonore qui avait fait trembler ses cellules. Cet enregistrement n'était pas hasardeux ; il recelait un motif, un code qu'il lui fallait élucider … Combien de signaux avait-il perçu, de quelle manière s'enchaînaient-ils ? Absent aux exhortations de ses collègues, Aloysius prit quelques secondes pour se remémorer la séquence exacte. S'il avait fait montre de nombreuses insuffisances par le passé, sa mémoire, quant à elle, ne lui faisait jamais défaut. Prisonnier de son propre îlot mental, il effectuait des gestes abstraits à travers l'espace tout en prenant des notes dans la mémoire de son interface. Il avait presque la certitude d'être parvenu à reconstituer l'enregistrement, mais quelque chose lui chatouillait encore l'encéphale …

Son regard se figea soudainement, sa conscience fut comme parcourue par un électrochoc. « Ma mallette ! » s'époumona-t-il de cette voix trop usée pour produire un son clair. Marcus l'observait avec impatience et incompréhension ; le froncement sporadique de ses sourcils était rythmé par les secousses ondoyantes provoquées par les assauts répétés des Vashëras. Aloysius jeta çà et là des coups d’œil éberlués, sans pour autant parvenir à distinguer l'objet de son agitation. La cadence brutale à laquelle les événements s'étaient succédés lui avait fait perdre de vue son seul atout. Le botaniste se releva avec la fulgurance d'un battement de paupières. Gesticulant avec fièvre, il voulut progresser jusqu'à la seule issue possible, mais un soldat le força à suspendre son élan avant même qu'il parvînt à bonne distance du commandant. « Professeur, restez tranquille, je vous prie. » Aloysius voulut rétorquer. Ses doigts se délièrent dans le vide, une vibration effleura ses cordes vocales. Il ne suffit que d'un instant. Les syllabes s'écrasèrent contre la surface diaphane du vide. Il vit les serres transpercer le métal, transpercer le corps de chair et de sang. Il vit les membres se désarticuler, se détacher les uns des autres dans une gerbe purpurine. L'image s'ancra profondément à l'intérieur de lui, fit chavirer son cœur et son estomac. Le fluide tiède et visqueux vint tapisser l'alliage immaculé de son exosquelette. La nausée n'eut pas même le temps de se frayer un chemin jusqu'à lui qu'il se trouva projeté à plusieurs mètres de là par l'impact. Son corps heurta la terre, y imprima sa forme indistincte et étique. Les cris alentour lui parvinrent comme un bruit de fond, de vagues élucubrations sonores et lointaines, dont il ne comprenait guère plus le sens. Le maelström de poussière provoqué par sa chute le laissait temporairement aveugle, démuni. Il demeura immobile pendant un instant qui lui sembla durer une éternité. Ses membres le faisaient atrocement souffrir, mais pis que tout, il savait qu'il ne se débarrasserait jamais du souvenir des yeux exorbités du soldat, de la dislocation progressive de son visage.

Aloysius ouvrit les yeux. Il distinguait à peine les silhouettes de l'escouade du commandant, figures hachurées qui paraissaient onduler frénétiquement à distance. D'autres que lui semblaient avoir été séparés du groupe originel ; certains corps inertes servaient d'ores et déjà de pitance aux Vashëras. C'est alors qu'il décela les contours de l'objet qui constituerait son salut : la mallette, intacte, se trouvait à l'autre extrémité du campement. Il entreprit de ramper aussi discrètement que possible, achevant de ruiner la blancheur auparavant éclatante de son accoutrement. Le frottement grinçant de l'armure contre la terre meuble ne put tromper longtemps les Vashëras ; l'un d'entre eux tendit une oreille velue, puis esquissa un mouvement dans sa direction. La panique l'emporta sur la raison, et Aloysius déroula ses membres pour s'élancer en avant avec autant d'habileté que sa maigre constitution lui permettait. Les serres destructrices caressèrent son flanc gauche, imprimant quelques marques superficielles à la surface de la coque de métal. Aloysius n'eut pas l'instinct de porter la main à son arme cette fois-ci ; il était convaincu que ces quelques secondes avant que la bête ne l'empalât sans autre forme de procès étaient tout ce qui lui restait. Était-ce finalement la raison pour laquelle il avait accepté cette mission ? S'était-il agi d'un élan destructeur, d'une volonté d'en finir avec cette existence absurde et dénuée de sens ? Ses paupières se déroulèrent sur l'océan vif-argent. Personne ne le pleurerait, il aurait tout le loisir de s'éteindre en paix. Dans les tréfonds de son inconscient, des mains striées de ridules agrippèrent les siennes, des mains familières, les seules qui lui avaient jamais témoigné la moindre affection … Throggmorton. Il était venu pour se donner la force de confronter Ariadne, de reprendre le contrôle de sa propre existence. Se donner le courage de guetter dans l'ombre une vérité qu'il s'était jusque-là refusé à contempler. Retrouver le père, peut-être, enfin …

Qu'avait dit Marcus déjà ? Les Vashëras étaient aveugles … À mesure que la bête approchait avec une prudence mesurée, Aloysius se concentra pour ne pas esquisser le moindre mouvement. Il neutralisa autant que possible les phéromones qu'il dégageait, et pria pour que la créature choisît une autre proie. Mais elle n'interrompit pas son avancée, bien au contraire ; son souffle fétide sourdait en buée tiède et s'infiltrait à travers les interstices de son armure. Contre toute attente, un nouveau signal sonore vint percer le désespoir. Le Vashëra tourna la tête en direction de la source de la stridulation ; Marcus se tenait à bonne distance, et diffusait le signal depuis l'interface de son exosquelette. Sur son visage flottait le spectre d'une fraternité. Les Vashëras fondirent sur lui avec empressement, tandis qu'Aloysius fondait de la même façon sur la mallette. D'un geste désordonné, il l'ouvrit et en extirpa un bocal contenant une plante dont les globes luminescents fluctuaient légèrement au gré des mouvements de son porteur. Il se saisit à pleines mains du spécimen, qui laissa échapper un tintinnabulement presque imperceptible. « Préparez-vous ! » lança-t-il à la cantonade. « Vous aurez dans le meilleur des cas une minute pour les neutraliser ! » Son corps se contorsionna de manière théâtrale alors qu'il cherchait à obtenir l'impulsion nécessaire. Ses muscles se contractèrent, et il lança aussi loin que possible la petite Circea Nymphaphycea. Sa lueur se mua d'un bleu pâle à une teinte plus chaude, et le tintinnabulement se renforça de façon manifeste. Les Vashëras suivirent la trajectoire de la Circea avec une détermination qui semblait aller decrescendo, comme si les notes jouées par l'algue polychrome les apaisaient. Lorsqu'ils eurent presque atteint le spécimen, la dizaine de bras poisseux de la Circea s'était parée d'un rouge presque noirâtre. La mélodie gagna en intensité graduellement, et explosa en un déluge d'ondes ultrasoniques qui étourdirent provisoirement les bêtes cauchemardesques.
Jeu 16 Avr - 23:15
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
(#)
Revenir en haut Aller en bas
Page 1 sur 1
Sauter vers: